Shangri-La : un récit SF incontournable chez Ankama

Jusqu’ici, ma connaissance concrète du label 619 d’Ankama se résumait à Mutafukaz et à The Grocery, deux récits uniques en leur genre. J’avais aussi entendu parler d’un certain Mathieu Bablet à qui l’on doit des histoires profondes et sublimes à en croire certaines critiques. Et après avoir glané quelques informations sur le web et l’avis d’un ami, je choisissais de commencer par Shangri-La, BD et/ou comic-book, c’est selon, qui bénéficie d’une intégrale soigneusement éditée par Ankama.

Amoureux de science-fiction, tenez-vous prêt. 3… 2… 1… LISEZ ! Oui, Shangri-La se lit à toute allure. Non pas que cette BD soit avare en texte mais, disons plutôt que la commencer revient à ne plus la lâcher avant d’avoir atteint la toute dernière page.

Et ce n’est pas vraiment une surprise puisque Mathieu Bablet a déjà quelques solides références à son actif comme Adrastée ou encore La Belle Mort.

Une plongée dans notre réalité

Dans Shangri-La, guère de sabres laser. Oubliez aussi les différentes races extraterrestres. Il en va d’ailleurs de même pour les conflits intergalactiques opposant des hordes de vaisseaux de guerre. Et malgré ces absences, il y a tant à découvrir dans ce récit…

La planète Terre n’est plus habitable, les êtres humains se voient donc contraints de vivre dans une priso… station orbitale contrôlée par une multinationale qui répond au nom de Tianzhu. Dans les faits, cette société se substitue au gouvernement et représente la seule forme d’autorité à bord. Ses administrés sont, pour la plupart, insouciants et heureux : le capitalisme règne en maître dans les lieux, les nouveaux appareils électroniques à la mode sont accessibles à tous et chacun est libre de ses mouvements au sein de la station.

De prime abord, le lecteur ne sera pas choqué par cette vision qu’offre Bablet. Ensuite, la réalité lui sautera aux yeux. Comme il ne tardera pas à l’expliquer par l’intermédiaire d’un dialogue, selon l’auteur, si vous offrez aux hommes suffisamment de distractions, ils détourneront le regard de ce qui est vraiment important. Autrement dit, ils sont contrôlables et contrôlés grâce à la production de masse et la consommation à l’image de notre propre monde. D’ailleurs, les références avec ce dernier pleuvent dans cette BD. L’entreprise Apple, par exemple, qui s’est forgée un nom dans l’art de vendre une marque, en prend pour son grade et elle est loin d’être la seule. Les systèmes gouvernementaux/dirigeants, et particulièrement les dictatures, ne sont pas épargnés non plus : Tianzhu, qui semble avoir tout prévu pour leurrer la population, a même trouvé le moyen d’humaniser les animaux. Ceux-ci marchent sur leurs deux pattes arrière, s’habillent comme tout être humain et communiquent dans notre langue. Le but de cette manœuvre ? La création d’une minorité sur laquelle il est possible de faire reposer tous les maux de la société à l’instar de ce que faisait les nazis avec les juifs.

Notre héros éprouvera, lui aussi, beaucoup de difficultés à ouvrir les yeux. Entre des scientifiques qui souhaitent créer des êtres humains à partir de rien, ou presque, une faction rebelle qui s’oppose au gouvernement, et des découvertes assez malsaines sur les dessous de la société créée par Tianzhu, Scott endurera les pires peines du monde à se positionner.

Et à travers son héros et quelques autres personnages, Mathieu Bablet nous livre une critique acerbe et mature de notre société et de son fonctionnement. Les clins d’œil avec notre réalité sont nombreux et font de Shangri-La une œuvre propice à la relecture.

Et puis, il y a le dessin. Bablet présente déjà un trait reconnaissable entre mille. Seuls certains visages qui, à de rares occasions, restent difficiles à distinguer et une scène d’action dont la découpe laisse à désirer empêche l’auteur d’atteindre le sans-faute. A côté de ça, la station spatiale est fabuleuse : les couloirs n’en finissent pas, les espaces clos ont le don de nous rendre claustrophobe et les nombreux étages nous font aisément ressentir l’immensité des lieux. L’artiste concerné possède un sens inné du détail qu’il exprime à la fois à travers ses représentations de structures spatiales et lorsqu’il véhicule une émotion chez l’un de ses personnages. En d’autres termes, le graphisme, au même titre que le scénario, est une franche réussite.

Une chose est sûre : sur base de cette BD, Mathieu Bablet peut être crédité de grand dessinateur et d’excellent scénariste puisque Shangri-La est un récit fort, très fort même, où notre société et ses plus importants défauts sont passés au crible, ou plutôt à l’acide. Avec cette histoire sociétale et futuriste, il comble à la fois les amateurs de SF et ceux qui recherchent un récit riche et intelligent. Proche de la perfection, Shangri-La est l’une de ces œuvres qui nous ouvre les yeux encore et encore.

Note : 9/10

R.L.

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