On ne compte plus les récits de super-héros qui pullulent dans les rangs des comics. Entre Marvel, DC et autres éditeurs indépendants, les adeptes du genre sont aux anges… ou presque : la qualité n’étant hélas pas toujours au rendez-vous. Heureusement, certains auteurs ont fourni de véritables pépites aux lecteurs au cours de ces dernières années. C’est d’ailleurs de l’une d’entre elles dont il est question aujourd’hui dans cette review : Supergod.
Au scénario, on retrouve Warren Ellis, un auteur prolifique comme en témoignent Planetary, The Authority, Transmetropolitan et bien d’autres, qui a donc pris le parti, il y a quelques années, de développer trois histoires sombres et matures autour du thème des super-héros : Black Summer, No Hero et enfin, Supergod. Ces trois comics étant indépendants les uns des autres, il est loisible de les lire dans n’importe quel ordre.
Au fil des pages de chacun d’eux, on observe un avenir peu glorieux pour l’humanité puisque les hommes sont parvenus à créer des êtres dotés de pouvoirs divins qui finissent inlassablement par dérailler d’une manière ou d’une autre.
Quand la folie humaine mène à l’apocalypse
Si Black Summer et No Hero sont des récits de qualité qu’il est fortement recommandé de lire, c’est tout particulièrement Supergod qui m’a poussé à la réflexion et donc, à écrire à son propos.
L’histoire de ce comic-book nous est contée par l’intermédiaire d’un chercheur anglais, assis au bord de la Tamise. Le monde qui l’entoure est en proie aux flammes et Big Ben tombe en ruine tandis que les quelques humains qu’il nous est donné de voir sont aux portes de la mort. Le cadre est posé, il ne reste plus qu’à répondre à la question qui suit : comment en est-on arrivé là ? Lors d’une communication téléphonique, le chercheur britannique va donc rapporter les événements qui ont amené le monde à cette… apocalypse. Peu commun, le scénario de Warren Ellis a été méticuleusement conçu : guère de fioritures pour le coup, le narrateur faisant uniquement état des événements importants qui ont secoué le monde et de son opinion sur le sujet. On assiste alors à un véritable cours d’histoire sur ce qui a conduit la planète à sa déchéance. A aucun moment le récit ne semble inconcevable tant la narration qui l’appuie est convaincante.
Cette dernière se met donc au service de l’histoire concoctée par Ellis, soit celle de dieux créés par les hommes pour les servir, ou plutôt, pour les défendre, eux et leurs intérêts. Les plus puissantes nations du globe que sont les USA, la Russie ou encore l’Angleterre, ont mis à profit tout leur savoir-faire et les informations glanées par leurs services de renseignements pour concevoir ces nouvelles formes d’armes.
Teinté de politique, le scénario de Supergod oppose donc des êtres aux pouvoirs incommensurables que leurs créateurs ne peuvent contrôler. Quand, d’un côté, un dieu britannique décide de ne pas bouger le petit doigt et observe la situation mondiale en silence, de l’autre, un être divin décide de massacrer la presque totalité des habitants de l’Inde.
Et puis, un mot sur les dessins de Garrie Gastonny qui servent parfaitement le propos au même titre que la colorisation : si l’on se situe ici tout de même un cran plus bas sur l’échelle de la violence par rapport aux deux autres volumes de cette série, certains plans et situations n’en restent pas moins très gores.
D’ailleurs, le choix d’illustrer l’histoire par des scènes effroyables est compréhensible : hors de question d’édulcorer cette vision pessimiste de l’avenir où les hommes parviennent à créer des monstres incontrôlables qui les conduiront à leur perte.
C’est donc une trame violente, sombre et pessimiste agrémentée d’une narration ficelée et d’un graphisme réussi que Warren Ellis nous offre avec Supergod. Seules les âmes sensibles et les amateurs de fins heureuses pourraient y trouver à redire.
Note : 8/10
R.L.