Après Superman : Identité Secrète, Kurt Busiek s’est attaqué à Batman, bien des années plus tard. Pour ce Créature de la Nuit, le concept est le même que pour Clark Kent : l’homme chauve-souris n’existe pas. Il n’est qu’un personnage de fiction adulé par de nombreux lecteurs dont l’un se prénomme Bruce Waynwright.
A la suite d’un cambriolage qui tourne mal, Bruce assistera au meurtre de ses parents comme l’avait fait, avant lui, son héros de toujours… Cette tragédie le poussera à se replier sur lui-même et à s’éloigner de tous ses proches. Son oncle, un certain « oncle Alfred », l’adore mais, même lui ne parviendra pas à aider l’orphelin. C’est là qu’une créature ailée apparaît dans les rues de la ville de Boston et met fin aux exactions de plusieurs malfaiteurs. Bruce le sait, Bruce le voit. Pire encore, quand la bête se déchaine, Bruce est comme qui dirait… spectateur. Et si… Et si elle était une partie de Bruce Waynwright ?
Busiek change ses ingrédients mais choisit donc une recette similaire à celle utilisée pour Identité Secrète. En revisitant le mythe et les origines du chevalier noir, le scénariste s’intéresse de près à l’aspect psychologique du personnage. Comme son alter ego star des comics, le jeune Waynwright souffre d’un manque affectif suite à la mort prématurée de ses parents. De là, découlera sa soif inextinguible de justice. Paranoïa, angoisse, solitude… s’en suivront et seront intelligemment mis en lumière par les deux artistes.
Doué, Kurt Busiek réussit ainsi le tour de force de nous plonger dans l’illusion. On sait que l’univers qui nous est présenté n’est pas l’officiel, celui où Bruce Wayne existe et est Batman. Pourtant, dans ce Créature de la Nuit, les événements, les personnages, les motivations de Bruce Waynwright… s’enchaînent et s’imbriquent de bien belle manière pour accoucher d’un récit de qualité. On se complaît tantôt à repérer les nouveaux rôles de personnages bien connus (à l’instar d’Alfred qui n’est pas majordome ici mais un proche parent), tantôt à dénicher les similitudes entre l’histoire de Bruce Waynwright et celle de Bruce Wayne.
Pourtant, même les dessins sombres et efficaces de John Paul Leon n’y feront rien, il manque quelque chose à ce Créature de la Nuit. Très bon, le récit souffre tout de même de la comparaison avec son prédécesseur, Identité Secrète. Là où ce dernier réussissait à nous immerger de la première à la dernière page, Batman : Créature de la Nuit manque le coche dans la deuxième partie de son histoire. Pour sa relecture de Superman, Busiek avait développé un univers réaliste, notre monde, où seuls les pouvoirs de Clark Kent relevaient du fantastique. Dans le cas présent, l’auteur en rajoute un peu trop à notre goût au point de devenir plus fantastique (et irréel) encore que le « véritable » Batman.
En définitive, ce Créature de la Nuit est un belle histoire, mais une histoire qui divisera à coup sûr. Bien plus que ne l’avait fait Identité Secrète avant elle. Mêlant le très bon et le moins bon, ce comic-book nous offre une revisite plus réaliste (du moins, pour sa première partie) de la vie de Batman. Autrement dit, pas de Joker, de Pingouin ou de Batmobile et encore moins de Gotham ici. Nous sommes à Boston et le jeune orphelin, Bruce Waynwright, est un enfant comme les autres, ou presque, fan de comics et de Batman depuis des années. Bien qu’intelligemment racontée, cette revisite de Batman n’est pas parfaite. Un ingrédient manque à l’appel dans la recette de Busiek. Cet ingrédient, c’est le réalisme. Le scénariste en a saupoudré son comic-book mais semble être tombé à court au beau milieu de sa préparation. Sans pour autant réduire à néant tout son travail, ce changement d’orientation déstabilisera plus d’un lecteur. Un choix qui plaira ou non, mais qui n’enlève en rien, à ce Créature de la Nuit, son originalité.
Note : 7/10
R.L.