Ion Mud est un roman graphique peu ordinaire. D’abord, parce qu’il s’agit du premier écrit d’un jeune talent, Amaury Bündgen, découvert au salon Lyon BD en 2018. Ensuite, car il nous plonge dans un univers inspiré de Blame, une œuvre SF majeure d’un auteur de mangas tout aussi incontournable, Tsutomu Nihei. Enfin, malgré son inspiration japonaise affichée, Ion Mud n’en reste pas moins un roman graphique à retrouver au rayon BD de nos chers libraires.
On y découvre Lupo, un homme qui n’a de cesse de parcourir l’immense réseau de tunnels, de passerelles et de couloirs qui semblent constituer un vaisseau titanesque. Que recherche-t-il ? Où est-il ? Qui est-il ? Ce sont ces premières questions qui pousseront les lecteurs que nous sommes à continuer leur incursion dans cette ambiance travaillée digne de maîtres de la science-fiction.
La première partie du récit répond à peu d’interrogations, peut-être trop peu d’ailleurs, puisque l’accent est avant tout mis sur la contemplation. On visite ainsi un univers froid et métallique composé d’immenses plateformes débouchant, à leur tour, sur de nombreux corridors où le danger se tapit dans l’ombre. Car Lupo n’est pas seul. D’étranges créatures, ainsi que des robots et d’autres êtres vivants dont on taira l’origine, parcourent eux aussi le vaisseau, motivés par des buts qui leur sont propres.
Les mystères s’épaississent et si certaines réponses vous seront données au fur et à mesure de votre lecture, vous devrez patienter jusqu’aux toutes dernières pages pour obtenir le fin mot de l’histoire. Le final, d’ailleurs, parlons-en. A sa lecture, Ion Mud prend tout son sens au point de marquer de son empreinte le début de carrière de son auteur. Des plus satisfaisantes, la conclusion respecte non seulement l’édifice construit tout au long du récit mais devrait, dans le même temps, contenter les férus de science-fiction.
Alors, que penser de Ion Mud ? En misant sur son coup de crayon détaillé et travaillé ainsi que sur l’absence de couleurs (tout est en noir et blanc), Amaury Bündgen ne s’y est pas trompé. On se surprend à contempler les (trop rares) doubles pages qui mettent en avant l’imposante structure du vaisseau tout comme on se perdra, au même titre que Lupo, dans un labyrinthe de couloirs dépaysants au possible. Comme précisé en introduction dans cette chronique, l’inspiration graphique est évidente et il nous tarde de voir ce que cet artiste sera capable de réaliser lorsqu’il s’en sera émancipé. D’ailleurs, il est bien question d’inspiration et non de plagiat. Pour preuve, les nombreuses séquences qui lorgnent plus, au niveau du découpage et du rythme, du côté de la bande dessinée de science-fiction européenne que de celui des mangas. Il en va de même pour les visages, les dialogues… qui renvoient d’abord au franco-belge plutôt qu’à tout autre genre. Le résultat est un mixte qui parvient à faire d’Ion Mud un récit plaisant, à défaut d’une œuvre majeure, qui mérite que l’on s’y penche à bien des égards.
Gageons que ce roman graphique gagnera en popularité au fur et à mesure qu’Amaury Bündgen gagnera en expérience. Un premier pas pour celui qui pourrait bien devenir l’un des artistes à suivre dans un futur proche.
Note : 7/10
R.L.