Parmi les graphics novels incontournables dans le monde des comics de super-héros, il y en a un que le public francophone attendait depuis belle lurette : X-Men – Dieu crée, l’homme détruit. Sorti il y a bien longtemps dans nos contrées, seul le marché de l’occasion permettait encore de s’offrir ledit livre -avant 2020 et sa réédition- et bien souvent, à un prix des plus déraisonnables.
Pourtant, cette histoire, somme toute assez courte, reprend des ficelles bien connues des fans de l’école du professeur Xavier puisqu’il est, encore une fois, question d’une vague de racisme envers les mutants. Ajoutez à cela un dessin plutôt vieillot et les lecteurs en quête d’originalité et d’un graphisme moderne auront tôt fait de passer leur chemin.
Et ce serait un tort car, comme pour toute œuvre, le secret se trouve dans le contexte de l’époque qui l’a vue naître.
Cette époque, c’est celle du début des années 80. Période où une vague de conservatisme envahit les Etats-Unis. Ses défenseurs prônent un retour à des valeurs plus traditionnelles tout en se réappropriant, évidemment, les textes religieux. De nouvelles églises et leurs télévangélistes vedettes prennent alors sans cesse la parole dans l’espace public pour affirmer le bien-fondé de leur courant de pensée. Des pasteurs affirment avoir raison et exigent de leurs fidèles qu’ils les suivent sans remettre en question leur propos. Leur vision du monde est la bonne puisque c’est celle de Dieu, un point c’est tout.
Dans Dieu crée, l’homme détruit, Claremont, déjà reconnu à l’époque pour présenter des thèmes d’actualité dans ses histoires, met en avant un homme de foi dénommé William Stryker. Celui-ci a vécu de terribles événements qui l’ont conduit au postulat que les mutants sont une aberration et que Dieu n’en veut pas. Que certains soient juifs ou catholiques l’importe peu. Ils sont mutants et c’est tout ce qui compte.
Et c’est là tout le propos de ce roman graphique : chaque individu, chaque croyant et non-croyant, possède son libre arbitre et doit pouvoir faire la part des choses. Un propos intelligent qui trouve évidemment encore écho aujourd’hui. Le racisme et la stigmatisation des minorités mise en évidence par les médias ne nous feront pas mentir… Bien au contraire.
On découvre dans le roman graphique chroniqué ici-même un combat opposant l’intolérance à la tolérance, tout simplement. Un combat bien plus complexe qu’il ne semble l’être au premier regard puisque Stryker ne s’en prend pas aux X-Men par vengeance ou par avidité mais bien parce qu’il est convaincu d’avoir raison. Ce combat idéologique est savamment orchestré par le scénariste qui finit par délivrer ce qui est, encore aujourd’hui, considéré comme l’un des plus importants romans graphiques de l’histoire des comics.
En d’autres mots, là où Claremont aurait pu offrir à ses lecteurs une nouvelle aventure opposant les X-Men à un ennemi doté d’une force surnaturelle, il a préféré créer un récit où le « mal » prend la forme d’un courant de pensée. Percutant, le scénario devient alors une fable morale qui poussera à la réflexion quiconque aura fait l’effort de recontextualiser le récit.
Note : 8/10
R.L.