Casterman vient tout juste de lancer Paperback, son nouveau label comics, et pour inaugurer cette entrée sur le marché des bandes dessinées, l’éditeur a choisi de miser sur deux titres : Mech Academy, dont vous pouvez retrouver la critique ici, et Au Temps des Reptiles dont nous allons parler ici-même.
Au dessin, tout comme au scénario, on retrouve Ricardo Delgado. Un homme qui endosse de multiples casquettes : il est écrivain, artiste, designer, storyboarder et surtout, fasciné par les dinosaures. Ce que l’on peut d’ailleurs percevoir dès les premières pages d’Au Temps des Reptiles, un récit pour le moins particulier.
Particulier parce qu’il s’agit d’une histoire sans aucune parole : les protagonistes ne parlent pas et on constate également l’absence de narrateur. Ensuite, car ce comic-book nous plonge au cœur de la vie des reptiles qui peuplaient la Terre il y a bien des années, un thème très peu (jamais?) exploité.
Bien qu’une histoire sans mot aura de quoi déstabiliser de nombreux lecteurs, il faut bien admettre que Delgado manie les silences avec brio et parvient à s’en servir pour offrir une narration maîtrisée. Le résultat est sans appel : malgré des traits peu précis et quelques scènes brouillonnes, la magie opère et immerge le lecteur dans un documentaire comme il nous a été donné d’en voir à l’écran.
Tout au long de ce que nous appellerons « docu-comics », nous suivons un Spinosaure qui aura pour unique objectif la survie. En effet, s’il ne veut pas mourir au détour d’un bosquet, ce carnassier devra s’adapter à bien des situations. Car les dangers fourmillent dans ce qui deviendra plus tard le territoire égyptien actuel. Entre les Paralititan, d’imposants herbivores qui se déplacent en groupe, et les carnivores qui peuplent ces contrées sauvages, notre Spinosaure n’aura de cesse de rester vigilant. A cet égard, s’il devra se défendre à plusieurs reprises contre différentes menaces, le dinosaure devra également se nourrir, dormir, procréer, défendre sa progéniture… Bien des aspects de la vie animale que Delgado n’omet pas de traiter dans ce comic-book.
Ce qui en découle est une plongée intimiste dans un monde ancien et dangereux. Et pour rendre son documentaire encore plus immersif, l’artiste a choisi de varier les tons de sa palette de couleurs. Les nuances de jaune, d’orange et de vert créent un rendu très vivant de la faune et de la flore égyptienne de l’époque. D’ailleurs, les traits qui, auparavant, semblaient manquer de précisions contribuent finalement au documentaire qu’il nous est donné de lire tant ils participent à la densité des dessins et donc, à la végétation luxuriante qui caractérisent les lieux.
Et puis, comme l’on pouvait s’y attendre pour ce « docu-comics », on retrouve quelques bonus, que l’on aurait espéré plus nombreux, qui fournissent des informations sur les espèces observées durant le récit.
Vous l’aurez compris, avec « Au Temps des Reptiles », Delgado transporte véritablement son lecteur dans un documentaire où il ne fait pas bon vivre tant les dangers mortels sont nombreux. Et même si la narration muette et les dessins très fournis pourront bloquer certains lecteurs, il en ressort que ces deux particularités constituent les principaux moteurs de cette immersion au cœur d’une époque où les dinosaures n’étaient ni plus ni moins que l’espèce dominante.
Note : 8/10
R.L.