Soyons clairs : Friday, c’est le genre d’ouvrage qui intrigue et rebute à la lecture, et ce dès le premier coup d’œil. Pourquoi ? Entrons dans le vif du sujet.
Qui intrigue ?
C’est le moins que l’on puisse dire tant Marcos Martin (The Private Eye), via son trait atypique, parvient à créer une superbe atmosphère digne de ces belles histoires que l’on se plait à lire, en soirée, sous une lumière tamisée, avec en fond, un air de jazz ou de blues.
Les à-plats de couleurs choisis par Muntsa Vicente sont eux aussi du plus bel effet. Ils confèrent une ambiance simpliste et savamment calculée, chaleureuse et froide à la fois; magnifique à tout niveau. Et comme le dit si bien Ed Brubaker (Fatale, Velvet, Gotham Central, Reckless…) — car c’est bien ce célèbre auteur qui est au scénario — à propos de sa collaboration avec l’artiste : « J’ai pitché à Marcos une histoire que j’adorais le voir dessiner« . Mission accomplie, on en redemande déjà.
Qui rebute ?
Sur la quatrième de couverture, l’éditeur Glénat établit le parallèle entre Stranger Things et Friday. Et comme beaucoup le savent, les bons comics ont rarement besoin d’être mis en évidence via une comparaison avec une œuvre déjà bien ancrée dans l’imaginaire collectif. (Si je veux profiter de Stranger Things, j’irai regarder Stranger Things et pas l’un de ses ersatz…) Pourtant, le lien est palpable tout au long du récit et on comprend rapidement le pourquoi de cette comparaison. Tout en s’émancipant de la série Netflix et de ses idées, Friday profite d’un univers propre, d’un mystère onirique original et de personnages attachants. Et puis, même s’il s’agit d’un comic-book Young Adult, le ton n’en est pas moins mature que dans les autres créations du même scénariste et attirera tous les publics, cela grâce à Ed Brubaker.
À ce propos, ce dernier frappe encore une fois très fort. Ce premier volume est une introduction à son récit. On y découvre Friday, une jeune américaine vivant dans une petite ville sans histoires (à priori) aux allures gothiques et victoriennes. Friday éprouve des sentiments pour son meilleur ami, Lance, et là encore, Brubaker fait mouche. L’auteur nous propose une relation peu banale, bien amenée, et surtout, réfléchie. La relation en question deviendra vite, au fil des pages, l’un des principaux moteurs du titre tant les dialogues qui la concernent, ainsi que les péripéties qui rapprocheront (ou pas) les deux jeunes, parviennent à la sublimer. Un régal pour nos yeux et nos cœurs.
Quant au scénario en tant que tel, il débute de la meilleure des manières. Sans se presser, Brubaker prend le temps de définir ses protagonistes et de les placer face à un monde inconnu où les légendes deviennent réelles. C’est ici que le rapport à Stranger Things prend tout son sens. On découvre un jeune homme très intelligent, Lance, qui choisit d’aider la police dans ses enquêtes. Ce garçon se fera accompagner par Friday qui, grâce à son gabarit, lui servira de garde du corps. Ensemble, ils se feront une joie d’élucider les mystères qui investissent la ville. Si Brubaker nous offre déjà quelques éléments intrigants sur le principal cas qui va occuper nos deux héros au cours des épisodes, ce sont les dernières pages de ce premier volume qui lanceront vraiment les hostilités. Il ne reste qu’à espérer que la suite soit du même calibre !
Friday est donc une réussite à tout point de vue. D’abord, par son « côté Stranger Things« , puisqu’on découvre les prémisses d’une enquête menée par de jeunes personnages sur base d’événements paranormaux. Ensuite, il y a ce jeu de relations entre les protagonistes qui se sublime de page en page, au point de devenir l’un des points forts du titre. Enfin, le graphisme et la palette de couleurs font tout simplement des merveilles.
En d’autres mots, Friday est l’une de ces séries pour laquelle on s’impatiente déjà de lire la suite tout en sachant que l’on vivra la même chose à la fin du deuxième tome. Un supplice auquel tous ceux qui auront lu ce premier volume ne pourront échapper !
Note: 9/10
R.L.