En 1816, une frégate dénommée la Méduse prend la mer, accompagnée d’autres navires, à destination du Sénégal. La France vient d’y récupérer des terres, c’est pourquoi 392 personnes font partie du voyage afin de s’y installer et donc, de s’accaparer la région au nom de l’hexagone. Parmi eux, des colons, des militaires, des marins et, surtout, des noms qui resteront gravés dans l’histoire de France comme celui du capitaine de la Méduse, Hugues Duroy de Chaumareys, un homme qui n’avait plus pris la mer depuis 25 ans. Ajoutez à cela des choix désastreux et une mauvaise estimation de la position du bateau pour que , le 2 juillet, le pire scénario se produise : la frégate s’échoue. L’équipage doit se rendre à l’évidence et prend donc la décision de quitter le navire, troué de toutes parts, pour rejoindre un radeau de fortune.
Meurtre, dépression, bagarre et… cannibalisme rythmeront la vie de la traversée infernale des rescapés. A l’arrivée, seuls 17 survivants sont retrouvés. Bien entendu, l’affaire fait grand bruit dans l’hexagone. D’une part, car elle semble irréelle et est ô combien dramatique, d’autre part, parce que le pays est entré dans une phase cruciale de son histoire : les royalistes tentent, par bien des moyens, de chasser ceux qui véhiculent les idées de feu l’Empire bonapartiste. Ces mêmes royalistes qui avaient fi des avancées réalisées par les bonapartistes dans le domaine de la marine…
Dans ce climat houleux, un peintre du nom de Géricault décide de s’atteler à un nouveau tableau traitant de l’affaire. Avec Les Naufragés de la Méduse publié chez Casterman, on suit tantôt l’artiste à la recherche de nouvelles sources d’informations sur cet événement dramatique (minutes du procès de Chaumareys, interviews de rescapés…), tantôt le périple de la Méduse et les mauvaises décisions qui ont conduit à son naufrage.
Pour dépeindre ce récit tragique, on découvre un trait fin, des couleurs pastels et des expressions de visage travaillées. Jean-Sébastien Bordas nous livre un travail minutieux qui convaincra plus d’un lecteur uniquement par le graphisme dudit livre. Le point d’orgue restant la colorisation qui, en fonction du lieu et de l’heure de la journée, parvient à instaurer une ambiance propre à chaque page. Toujours concernant les dessins, on regrettera tout de même quelques visages trop ressemblants pouvant générer une certaine confusion chez le lecteur. Dommage pour un récit historique où les noms et les grades ont une portée significative très importante.
Mais ne boudons pas notre plaisir ! La lecture parallèle des deux histoires est des plus plaisantes et poussera bon nombre de lecteurs à replonger dans l’histoire de France afin d’en apprendre plus sur les événements dramatiques du début du 19ème siècle. Les dialogues sont bien construits et permettent, même à ceux pour qui cette période resterait assez méconnue, de s’imprégner très vite de la situation. A cet égard, Jean-Christophe Deveney, scénariste, a réalisé un travail formidable en proposant une BD facile d’accès tout en y distillant une flopée d’éléments historiques. Evidemment, la cerise sur le gâteau est à réserver à ceux qui connaissent et s’intéressent à ce pan de l’histoire de France. Les noms des peintres qui côtoient Géricault, les gradés présents sur le navire, les décisions prises sur celui-ci… combleront tous les férus d’Histoire.
Des BD historiques, il y en a trop peu. Alors quand l’une d’entre elles a le mérite d’être de qualité et de proposer un ouvrage à destination du grand public, connaisseurs ou non de la période mise en lumière, on aurait tort de se priver !
Note : 8/10
R.L.