L’Antre de l’horreur : quand Corben remet Poe et Lovecraft au goût du jour !

Un format plus imposant que les comics traditionnels, une couverture sans couleur et un contenu altérant textes et planches : pas de doute, nous ne sommes pas face à un comic-book conventionnel avec L’Antre de l’horreur.

Autre particularité dudit objet : celui-ci est orné de quelques noms, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de ceux de Richard Corben, H.P. Lovecraft et d’Edgar Allan Poe.

Le premier, Grand Prix d’Angoulème 2018, a choisi d’illustrer quelques poèmes des deux célèbres romanciers cités ensuite. Peu faciles d’accès pour les néophytes, les textes de ces deux écrivains deviennent bien plus lisibles, dirons-nous, grâce à l’ajout des dessins de l’artiste. Et ce ne sont pas l’écriture peu moderne et les allusions abstraites à des univers inventés qui nous ferons démentir.

Deux parties pour deux influences

La première moitié de l’ouvrage se focalise sur le corpus de poèmes de Poe. Et d’entrée, le contexte dans lequel les récits prennent vie surprend. En effet, dans une volonté de déstabiliser son lecteur, Corben nous offre à voir des lieux modernes et une époque contemporaine dans lesquels il a choisi de retranscrire les mots de l’auteur.

L’objet se présente alors comme suit : en quelques pages, le lecteur peut lire des récits horrifiques dessinés par Corben et poursuivis, ensuite, par le poème dont l’artiste s’est inspiré. Le procédé, parfois redondant puisque le poème est régulièrement utilisé comme « voix off » de la bande dessinée, offre un nouvel angle de lecture tout à fait plaisant : il est question de lire, au travers des dessins si typiques de Richard Corben, une histoire moderne avant d’en re-découvrir le matériau originel. Néanmoins, c’est aussi par ce biais que l’on remarque, pour certains écrits, le lien souvent ténu qui existe entre le poème et les planches dessinées. En cause, encore une fois, une prose des plus abstraites dont seul l’auteur possède les clés.

La seconde moitié, quant à elle, est plus concrète au sens où certains écrits de H.P. Lovecraft choisis par Corben restent plus accessibles que ceux de Poe. Ce qui n’empêche pas le dessinateur de réinterpréter complètement les mythes du romancier torturé avec des dessins dont seul lui a le secret : des visages et des corps grossis, émincés, transformés… afin de rendre compte d’une horreur aussi « corbienne » que possible. Pour cette deuxième partie, l’artiste a décidé de prendre le contre-pied de ce qu’il a réalisé quelques pages plus tôt avec les écrits de Poe : ici, guère de cadre contemporain, on plonge tête la première dans l’époque de Lovecraft, soit le début du 20ème siècle. Une idée particulièrement bienvenue tant elle renforce la terreur qu’inspire le propos avec brio : propulsé dans une époque qu’il connait peu ou pas, le lecteur ne sait dire quels seront les moyens mis à disposition des personnages pour se défendre contre l’horreur qui se présente à eux.

En d’autres mots, Panini Comics propose ici un très bel ouvrage pour tous les fans de Corben. On se délecte devant son trait si caractéristique et sa façon très personnelle de se réapproprier des œuvres qui l’ont inspiré. D’ailleurs, les lecteurs habituels du dessinateur seront en terrain connu tant les histoires racontées auraient pu être de son fait. Pour les autres, qu’ils soient fans de Poe et/ou de Lovecraft, il faudra se faire à l’idée qu’ici, Corben ne dépeint pas des textes tels qu’ils ont été pensés mais les réinterprète dans un style très personnel et ô combien percutant.

Note : 7/10

R.L.

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