Will Eisner, ne serait-ce que par le prix qui porte son nom, est une référence dans le monde des comics. Et c’est peu de le dire puisqu’il s’agit de l’auteur du tout premier roman graphique de l’histoire, ou du moins, du premier comic-book à avoir adopté cette appellation.
L’écrit en question, Un Pacte Avec Dieu, est constitué de trois histoires courtes, toutes dessinées par W. Eisner. Ce n’est d’ailleurs pas leur seul point commun puisqu’elles prennent places dans un même décor urbain : un immeuble situé au 55, Avenue Dropsie, Bronx, New-York, qui regroupe des familles d’ouvriers, immigrées pour la plupart.
Leurs histoires, Will Eisner les raconte avec brio. Certains faits sont vrais (du moins, en partie), d’autres inventés de toutes pièces. Le premier chapitre, par exemple, est inspiré de la vie de l’auteur comme il l’explique si bien au sein des premières pages d’Un Pacte Avec Dieu. On y découvre un homme qui vient de perdre son unique enfant, fruit d’une adoption voulue par Dieu. Tout comme Will Eisner, lorsque ce dernier perdit sa fille tout juste âgée de 16 ans, le « héros » de cette première histoire décide de tout remettre en question, et ce jusqu’à la foi incommensurable qu’il accordait à Dieu jusqu’à présent. Poignant, le pitch de départ ne demandera pas beaucoup de temps et d’encre pour emporter le lecteur.
La seconde histoire, tout aussi émouvante, voit un chanteur de rue faire montre de tout son talent au coin d’un immeuble de l’avenue Dropsie quand une ancienne gloire de la chanson le remarque et lui propose de démarrer une carrière. Là, aussi, les aléas de la vie seront les guides du récit en question et feront jaillir chez le lecteur un flot d’émotions.
Enfin, le dernier chapitre ne suit pas un unique protagoniste mais s’intéresse plutôt aux vacanciers de l’immeuble. D’un côté, on retrouve les plus fortunés qui profitent de lieux de résidence chics et, de l’autre, des familles plus modestes se contentant de Cookaleins, des exploitations agricoles qui se transformaient en camps de vacances lors des périodes estivales. Encore une fois, les rencontres et les dialogues sont au menu d’une histoire forte en émotions.
C’est avec beaucoup de simplicité que W. Eisner nous promène de case en case au milieu des années 30 et dans le quartier ouvrier du Bronx situé sur l’avenue Dropsie. N’y voyez pas une critique, au contraire : Eisner avait un tel talent qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, de ne pas le considérer comme un génie. Pour preuve, son dessin à l’apparence très simpliste esy pourtant parfaitement adapté au propos narré.
Dans Un Pacte Avec Dieu, Eisner fait de l’émotion un véritable fil conducteur. Que ce soit par son trait ou par sa trame narrative, chaque situation tend à faire surgir l’un ou l’autre sentiment chez le lecteur. A tel point que l’œuvre poignante du grand Monsieur qu’était Will Eisner entrera sans difficulté dans le panthéon des comics à lire absolument. En un mot ? Magistral. L’auteur a non seulement écrit et dessiné le premier roman graphique de l’histoire mais a, en plus, créé une œuvre à part entière qui, aujourd’hui encore, a le mérite de marquer les esprits.
Note : 10/10
R.L.