Récit culte, témoignage d’une autre époque, documentaire sous la forme d’une BD… Il existe bien des façons de définir Maus, une bande dessinée atypique considérée par beaucoup comme une œuvre parfaite en tous points.
Publiée entre 1980 et 1991 aux Etats-Unis et, plus tard, traduite en français et en une trentaine d’autres langues, Maus fait partie de ces bandes dessinées qui ne laissent pas indemne, et ce pour bien des raisons que sont son univers graphique, sa narration et surtout, son caractère historique.
Dans Maus, le lecteur part à la découverte d’une vie, celle de Vladek Spiegelman, un juif passé par les camps de concentration et qui n’est autre que le père d’Artie Spiegelman, l’auteur du récit. Car cette histoire n’est pas romancée, elle est le véritable témoignage d’un prisonnier de guerre retranscrit sur papier par un scénariste d’exception.
Et pourtant la tâche s’annonçait ardue, voire impossible. En effet, qui, à l’heure actuelle, peut se targuer de pouvoir rendre compte de la réalité des camps de concentration avec une justesse sans pareille et sous la forme d’une bande dessinée qui plus est ?
Lire Maus, c’est répondre à cette question. En quelques pages, la réalité nous percute en pleine face et on reste pantois devant la façon dont Artie Spiegelman décrit le quotidien des juifs polonais durant la guerre 40-45. Cependant, dans Maus, il n’y a pas d’hommes. On y trouve uniquement des animaux. Des souris pour les personnes juives, des chats pour les nazis… Derrière ce parti pris graphique se cache une idée de génie puisque transformer les hommes en animaux offre une plus grande facilité d’accès aux lecteurs. En effet, si dans Maus les situations sont terribles et transpirantes de vérité, observer des souris juives mourir sous les coups de bâton des chats nazis reste bien plus facile que lorsque c’est l’un de nos semblables qui est roué de coups. Plus facile mais pas facile pour autant. Car c’est une dure expérience que de lire Maus, l’expérience de la vie de nombreux juifs durant la WWII.
Et à ce niveau, le père de l’auteur fait partie des chanceux puisqu’il y a survécu. Et pourtant, on ne peut s’empêcher d’avoir un petit pincement au cœur lorsqu’on le traite de chanceux, lui qui a vu les nazis occuper ses entreprises, détruire ses biens et tout ce qui lui était cher. Lui qui est passé par la déportation, les tortures, la famine. Lui qui a vu périr, un par un, les membres de sa famille du jour au lendemain.
Néanmoins, n’imaginez pas Maus comme une succession d’horreurs dépeintes de la manière la plus crue qui soit pour rendre compte de la vie à l’intérieur des camps. N’imaginez pas non plus vous retrouver devant une avalanche de dates et de lieux à mémoriser à la façon d’un cours d’histoire pour comprendre Maus. Et ne voyez pas non plus en Maus l’apologie du judaïsme.
Maus n’est rien d’autre qu’un témoignage, celui de Vladek Spiegelman, raconté par l’intermédiaire de son fils, Artie Spiegelman. Les dessins sont sommaires, l’histoire y est racontée simplement et hommes et femmes ont été remplacés par des animaux. Cependant, tout ceci contribue à un chef-d’œuvre pour lequel on ne peut que réserver un accueil chaleureux. D’ailleurs, on parle souvent de la bande dessinée comme du neuvième art. Et bien, Maus, c’est de l’art. L’art de raconter une histoire et de la mettre en images. Et pas n’importe quelle histoire puisqu’il est question d’un pan de notre Histoire, celui des camps de la mort durant la Deuxième Guerre mondiale.
Mais Maus, c’est surtout un grand moment de lecture à vivre.
Note : 10/10
R.L.