Imaginez un monde où les êtres vivants sont des animaux qui se comportent comme des êtres humains : ils portent des vêtements, marchent sur leurs deux jamb… pattes, discutent dans un même langage et sont adeptes de magie ! Pour ce dernier point, il est vrai que l’on s’éloigne un peu de notre réalité mais cela est dû au genre littéraire de The Autumnlands. Baignant dans l’heroic fantasy, ce comic-book de Kurt Busiek, auteur réputé que ce soit pour son travail chez Marvel (Iron Man, Thor, Marvels…) ou celui qu’il a accompli pour DC (Superman : identité secrète), nous démontre que le scénariste fait preuve d’autant de talent lorsqu’il œuvre sur des récits indépendants.
Pour preuve, voici le pitch qu’il a concocté. Dans cette histoire, la magie tend à disparaître. Les mages qui la contrôlent doivent donc rationner leurs sorts afin d’en garder en réserve pour les situations les plus contraignantes et surtout pour conserver le rapport de force qui existe entre la population éduquée, qui vit dans les cités flottantes, et celle qui, contrainte de vivre dans les plaines, est qualifiée de « sauvage ».
Un groupe d’initiés décide alors de passer à l’action en invoquant le sauveur, celui qui fera revenir la magie de manière abondante. Lors de l’invocation, un être est bel et bien « appelé » mais les conséquences de cet acte ne se font pas attendre : la cité flottante s’écroule dans les plaines sauvages. S’ensuivent alors des querelles intestines au sein de la congrégation des mages, des luttes de pouvoir et la menace d’attaques de tribus barbares vivant depuis toujours au sein de ces contrées inhospitalières.
Si le pitch est original, The Autumnlands ne commence pourtant pas sur les chapeaux de roues. En cause, on citera ses premières pages qui manquent de rythme, et ce même s’il s’agit d’une introduction. Par la suite, ce constat change de bien belle manière et seules quelques facilités scénaristiques entacheront le plaisir de lecture.
Au fil des pages, Kurt Busiek trouve incontestablement son rythme de croisière. Et s’il lui aura fallu près d’un chapitre pour captiver le lecteur que je suis, ce n’est pas le cas du jeune dessinateur, Benjamin Dewey, qui réussit remarquablement, et dès les premières cases, à illustrer un monde féerique et magique en créant de belles expressions sur les visages de certains animaux et en profitant d’un trait dynamique. La colorisation de Jordie Bellaire ajoute aussi sa pierre à l’édifice en jouant sur différents tons agréables à l’œil. Par contre, la couleur des phylactères, elle, laisse à désirer tout comme la police d’écriture. Cependant, on s’y habitue rapidement et on finit par être absorbé par un récit passionnant qui s’appuie, notamment, sur quelques retournements de situation bien sentis. Ces derniers devraient d’ailleurs pousser le lectorat à finir ce premier tome et à se jeter sur sa suite : la lenteur du début de tome est déjà oubliée et on a hâte de connaître toutes les subtilités du royaume imaginées par l’auteur.
En conclusion, tout n’est pas parfait et ne constitue pas une réelle nouveauté dans cette série. Des animaux qui vivent à la manière d’êtres humains aux mages invoquant un sauveur censé leur apporter le salut, une chose est sûre : ces idées ont déjà fait les beaux jours de nombreuses autres productions. Pourtant, dans The Autumnlands, la formule fonctionne plutôt bien et c’est avec humour et intelligence que Kurt Busiek joue avec les thèmes que sont la domination sociale d’une caste sur une autre, l’arrivée du messie et l’ascension au pouvoir. Le scénario gagne en épaisseur au fur et à mesure de notre lecture et présente quelques retournements de situation intrigants et plutôt bien narrés. Et si Busiek parvient par la suite à gommer les quelques défauts dénichés dans ce premier volume, la série devrait gagner en maturité, et ce pour notre plus grand plaisir.
NOTE : 7/10
R.L.