Tokyo Ghost « Eden Atomique » : un trio de rêve à la tête d’une épopée technologique

Privé de mon ordinateur pour cause de virus informatique, j’ai vécu l’enfer ou presque. Disons plutôt que ce moment de privation m’a démontré, encore une fois, à quel point j’étais accro à la technologie et surtout, à Internet. Et il semble que malgré mon état de dépendance avancé, d’autres sont bien plus atteints que ma petite personne.

A titre d’exemple, on a tous cet ami qui ne peut s’empêcher d’envoyer un message via son smartphone alors qu’il se trouve à une soirée avec l’ensemble de ses… amis. Il y a aussi celui qui ne peut se résoudre à ne pas vérifier les scores en temps réel d’un match de football, ou encore, ce pote qui ressent le besoin de partager sur les réseaux sociaux tous les plats qu’il cuisine et compte ingurgiter.

Il est évident que nous vivons désormais dans un monde régi par la technologie et surtout par la consommation de masse d’informations et de programmes abrutissants. C’est d’ailleurs le pitch de départ de Tokyo Ghost élaboré par Rick Remender, scénariste à qui l’on doit déjà la fabuleuse série Deadly Class (qu’il me tarde de chroniquer) et l’excellentissime Fear Agent (dont vous pouvez lire la review ici).

Néanmoins, l’univers dans lequel prend place l’action de cette nouvelle aventure n’est pas identique au nôtre. Pour Tokyo Ghost, Remender a imaginé ce que pourrait devenir notre monde si la technologie devenait encore plus invasive. Et cela se traduit notamment par l’absence d’écrans. Ceux-ci sont remplacés par des hologrammes qui apparaissent à moins de 30 centimètres des yeux du consommateur. Ajoutez à cela qu’il est possible de se « nano-doper » à l’aide de « nanobots » ou encore de connaître l’état émotionnel d’un individu grâce à une technologie ultramoderne et vous obtenez les ingrédients de base de cette nouvelle série.

Si le cadre est bel et bien original et intrigant, encore fallait-il des personnages charismatiques empêtrés dans un scénario à la hauteur pour conserver l’attrait des lecteurs. Cette mission revenait à Led Dent, personnage atypique très éloigné de l’image du héros traditionnel puisqu’il est question d’un homme complètement drogué à la tech’, et de Debbie, compagne de Led et « Zéro Tech », soit la seule personne de Los Angeles à ne pas avoir sombré dans l’océan technologique qui noie les habitants de la ville.

Ces deux protagonistes travaillent comme agents pour Flak Corp, une entreprise au firmament de sa gloire dont le succès repose sur les nombreux canaux de diffusion qu’elle possède. Le rôle de ces agents est simple : stopper toutes menaces envers l’audimat. La mission qui nous occupe enverra l’équipe à Tokyo, une cité qui a choisi de laisser la nature reprendre ses droits. En d’autres mots, la technologie est bannie des lieux.

Rick Remender oppose alors deux univers, celui de la préservation de la nature, de l’amour de la terre et des valeurs de l’agriculture à celui de la modernité, de la technologie et de la vitesse d’information. Comme à son habitude, le scénario va vite et alterne entre les scènes d’action violentes et des dialogues qui ne s’encombrent pas de menus détails. Le résultat n’est autre qu’une introduction survitaminée qui, non seulement, intègre des idées originales mais a aussi la bonne idée de ne pas éluder les origines des personnages.

Une patte graphique magistrale

« Rythmés », c’est l’adjectif qui sied parfaitement aux débuts de cette série. A l’heure d’écrire cette critique, deux volumes sont déjà sortis chez Urban Comics et pour chacun d’eux, Remender ne perd pas de temps puisque chaque page ou presque dévoile une facette de son univers grâce à une discussion riche en enseignements ou à une planche très détaillée. D’ailleurs, il est temps d’évoquer les dessins.

C’est Sean Murphy, dessinateur de talent comme le prouvent déjà les notables Punk Rock Jesus, Off Road, Joe l’aventure intérieure… qui a eu la charge de représenter un Los Angeles futuriste et un Tokyo presque médiéval. Le défi était loin d’être gagné et pourtant, c’est chose faite puisque chaque page constitue un véritable régal visuel. Et malgré la beauté des dessins, affirmer que c’est un Murphy au sommet de son art que l’on (re)découvre serait presque un mensonge tant le monsieur ne cesse de nous étonner et a encore de magnifiques illustrations à nous dévoiler au cours de ses prochains travaux. Preuve en est avec les premières planches de « Batman : White Knight » déjà diffusées sur le web. Précisons que les dessins de Tokyo Ghost ont été colorisés par Matt Hollingsworth qui joue sans cesse avec les variations de tons et parvient à se mettre au diapason des deux autres artistes. Le duo devient alors un trio qui nous donne ce que l’on espérait : un bijou graphique.

Pour conclure en quelques mots, Remender nous livre une histoire qui fera écho à la situation technologique dans laquelle nous vivons quotidiennement. Le scénario et l’univers dans lequel il prend place valent à eux seuls le détour. Et comme, en plus, la série bénéficie du talent de l’un des meilleurs dessinateurs du moment, un certain Sean Murphy, qui a le don de sublimer n’importe quelle situation, il deviendrait presque criminel de ne pas se laisser tenter !

Note : 9/10

R.L.

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