Urban Comics met les petits plats dans les grands et lance cette nouvelle série avec une offre « le premier volume à 10€ ». Il n’en fallait pas plus pour nous convaincre de jeter notre dévolu sur ce premier tome de Little Monsters écrit par Jeff Lemire et dessiné par Dustin Nguyen, duo que l’on retrouvait déjà sur Descender et Ascender.
Et comme pour ces deux séries, ici aussi, le graphisme de Dustin Nguyen fait mouche. Avec son dessin à l’allure d’aquarelle, les personnages, comme les lieux, profitent des talents de l’artiste et contribuent largement à l’atmosphère du récit. Tout en noir et blanc, ce premier volume baigne dans une ambiance post-apocalyptique où des enfants immortels s’adonnent chaque nuit aux mêmes jeux. Ils semblent attendre quelqu’un mais depuis une catastrophe mondiale, le monde aurait connu une extinction, celle des humains. « Aurait » ? Oui. Car un homme blessé finit par débarquer dans le quartier en ruines où se sont établis les enfants. Coincé sous des gravats, il appelle à l’aide. Et quand, enfin, les « héros », les enfants, le trouvent, aucun d’eux ne lui porte secours. Au contraire, ils sont du même avis : ils s’approchent, sortent les canines et… se mettent à sucer le sang de la pauvre victime !
Quand Jeff Lemire se lance dans une histoire de vampires, ce n’est pas pour nous compter une énième aventure d’amour, ou celle d’un comte mystérieux vivant en Transylvanie. Dans Little Monsters, on suit une bande de gamins partagés entre le désir de découvrir les autres régions du monde (ainsi que les humains qui auraient survécu) et l’envie de respecter l’injonction de leur maître : « ne bougez pas d’ici« . « Ici », c’est un groupement d’immeubles à l’abandon où à chaque nouvelle journée, il faut retourner s’abriter des rayons du soleil. C’est au cœur de ce terrain de jeu que le scénariste nous présente ses personnages. Les personnalités sont multiples et, comme à son habitude, Jeff Lemire met un point d’honneur à travailler les relations qui existent entre les différents protagonistes.
Et c’est là, la véritable réussite du titre. Le contexte post-apo, pourtant similaire à bien d’autres (seule une poignée de survivants parvient à subsiter dans un monde en ruines), nous emporte rapidement grâce à ses personnages. Dans ce cadre, si l’on suit des vampires, et donc les « méchants » de l’histoire (ils se nourrissent quand même d’humains, donc « de notre espèce »), ils n’en restent pas moins des enfants avec leur naïveté débordante. Certains voudraient profiter de la force inégalée qui les anime, partir en chasse et s’abreuver aux gorges des humains survivants. D’autres préfèrent protéger ces mêmes humains et s’en tenir à sucer le sang de rats. Dans ce climat, les tensions naissent et chacun des dialogues ajoute sa pierre à l’édifice. Les caractères des vampires, tout comme les divergences d’opinions qui en découlent, sont un réel plaisir à découvrir. On a non seulement hâte de voir comment ce groupe va évoluer mais aussi, d’apprendre ce qui est arrivé au monde. Et puis, qui a transformé ces enfants ? Dans quel but ? De nombreuses questions qui ajoutent une bonne dose de suspense au récit.
En définitive, que ce soit au niveau de son ambiance, du trait de son génial dessinateur, de la plume imaginative de l’auteur, ou encore, des relations décrites dans ce tome, Little Monsters commence sur des chapeaux de roue. Et à 10€, pourquoi se priver ?
Note : 8/10
R.L.