Les séries post-apocalyptiques, on connait. Les histoires, style Sa Majesté des Mouches, on en a fait le tour jusqu’à l’indigestion. Alors, quand est venue l’heure de tourner les pages de ce nouvel écrit intitulé : C’est où le plus loin d’ici?, la curiosité s’est immiscée en nous avec une pointe d’écœurement. Sans crier gare, et seulement après quelques planches, celle-ci a bien vite laissé sa place à l’irrépressible envie de dévorer cette nouvelle sortie.
C’est où le plus loin d’ici? sera une série en trois volumes. Une trilogie pour nous narrer l’histoire de jeunes (adolescents, pré-adolescents et enfants) vivant seuls et formant une « famille ». Mais ici, le mot « famille » ne renvoie pas à la structure familiale que l’on connait tous. Il s’agit plutôt d’une appelation de l’ordre de « clan », « unité », ou « bande ». Très vite, le lecteur rencontre d’autres groupes, tous formant des « familles » et tous refusant le droit aux autres bandes de mettre ne serait-ce qu’un pied sur leur territoire. Seuls ceux qu’ils affublent du nom d’étrangers semblent pouvoir déroger à la règle. Il faut dire qu’avec leur allure d’aliens et leurs curieuses capacités, personne n’oserait s’opposer à ces êtres.
Rentrons dès à présent dans le vif du sujet ! Dès le départ, le récit déstabilise par son découpage en chapitres de parfois plusieurs pages, parfois une seule page… Une pratique assez intrigante mais qui marque déjà l’originalité de ce à quoi on a affaire. Ensuite, des dialogues simples prennent vie entre les protagonistes de l’histoire. Simplistes ? Oui, mais diablement efficaces. Tout semble naturel. Des réactions aux conversations anodines en passant par les colères et les émotions incontrolâbles qu’on a tous connu à l’âge « bête ». On se met donc à suivre la vie du groupe de page en page alors que le suspense monte crescendo attisant toujours plus notre soif de lecture.
Le scénario que l’on doit à Matthew Rosenberg sent bon le récit structuré, bien pensé et original malgré les fortes inspirations. Dans ce premier tome, l’auteur nous dévoile déjà les indices de plusieurs sous-intrigues qui devraient amener des révélations fracassantes. Comment en est-on arrivé à ne plus voir d’adultes dans la région ? (Ou dans le monde?) Qui sont les étrangers ? Comment débarquent les nouveaux-nés ? Quel est ce lieu dont tout le monde parle mais dont peu croient vraiment en l’existence? Des interrogations qui on l’espère, amèneront des réponses à la hauteur de nos attentes.
Et pour illustrer ces belles idées, c’est Tyler Boss, artiste primé aux Eisner Awards, qui s’est chargé de plonger les héros de cette histoire dans une ambiance sombre et post-apo. Et quelle réussite ! Les contours très prononcés des personnages, le choix de couleurs pour rendre compte d’une atmosphère pesante, les lieux glauques… rien n’a été laissé au hasard. D’ailleurs, la comparaison est naturelle : le style de David Mazzucchelli a fait des émules. Et c’est tant mieux ! À mille lieux d’une pâle copie, le graphisme de Rosenberg est envoutant et correspond parfaitement aux péripéties contées. Bref, côté graphisme, comme pour le scénario, on frôle le sans-faute.
Attendez… Mais oui ! Il est déjà l’heure de conclure cette review. Evidemment, après les lignes précédentes, vous vous doutez bien que nous avons été subjugués par C’est où le plus loin d’ici? On se contentera donc de vous conseiller de vous jeter sur ce premier volume. Et si beaucoup y verront les influences prononcées de David Mazzucchelli pour le dessin, et, à bien y regarder, d’Ed Brubaker pour le scénario, le résultat final n’en reste pas moins d’une qualité sidérante.
À découvrir au plus vite !
Note : 9/10
R.L.