Dans le monde de Versatile, librement inspiré de notre XVIIIème siècle, Célimène est une simple chiffonnière, un rang indigne situé tout en bas de l’échelle sociale. Mais sa personne, elle, n’en reste pas moins inflexible, prête à tout et surtout, très entreprenante. Il faut dire que Célimène n’a jamais rien obtenu de quiconque. De plus, elle se refuse à mendier, qu’il s’agisse de services ou de piastres (monnaie). Ce caractère affirmé deviendra le moteur de l’ambition du personnage et de son histoire. Ainsi donc, sous ses faux airs de déjà vu,Versatile nous emmène dans la quète élaborée de son héroïne, une quète d’argent, de gloire mais aussi de leçons.
Cette belle bande dessinée est l’œuvre de Hosanna Chauvin et de Clothilde Chauvin. Pour leur première publication, les deux artistes ont choisi un monde régi par l’argent. Un concept que l’on retrouve dans notre propre société bien-sûr, mais qui ici demeure si flagrant qu’il en devient caricatural au possible. Pour faire simple, monter en statut est aisé (si l’on sait s’y prendre) puisqu’il suffit de remplir sa bourse. Autrement dit, tout quidam qui veut s’élever devra nouer des liens avec la bourgeoisie et sauter sur les opportunités les plus intéressantes, et les plus enrichissantes surtout. Une fois la chose faite, les belles sommes s’accumuleront dans votre besace et hop, vous voilà baron, comte ou prince !
Pour Célimène, le calcul est vite fait. Il n’y a pas à chercher midi à quatorze heure : si, dans un premier temps, la servante se dressera comme une jeune femme pleine d’entrain, aux idées mûres, elle ne tardera pas, ensuite, à user de tous les moyens mis à sa disposition pour obtenir ce qu’elle convoite. Et si pour ça, il lui faut oublier sa pauvre mère et planifier une conspiration, qu’il en soit ainsi ! Une évolution agréable à suivre puisque le personnage ne se contente pas d’un rôle d’ingénu, ni de celui de jeune femme douée d’une ruse sans pareille. Au contraire, Célimène passera par plus d’une émotion, devra encaisser les coups bas quand elle n’en préparera pas d’elle-même, affronter ses propres sentiments et se tenir toujours prête à ourdir un nouveau plan. En d’autres termes, un vent frais souffle sur les pages, et ce pour notre plus grand plaisir.
Des pages qui profitent de belles couleurs d’ailleurs et d’un dessin très agréable. Le graphisme nous ouvre les portes de Versatile et nous promène dans ses allées, ses palais, ses maisons de fortune… où vivent bien des classes d’individus, du simple majordome aux politiques accomplis en passant par le roi. Tous jouent leur rôle, du plus petit au plus important. Dès lors, il devient d’autant plus frustrant de ne pas pouvoir tous les identifier au premier coup d’œil . La faute à un manque de détails sur les faciès et des chevelures parfois trop proches, du point de vue esthétique, les unes des autres. Le scénario aussi n’est pas exempt de défaut puisqu’après un départ en fanfare (l’évolution du protagoniste principal va vite et intrigue dans les premiers chapitres), le récit marquera le pas, pour un court moment seulement ceci-dit. Et puis, la fin rehaussera le niveau avec un twist probablement attendu mais qui en entrainera un autre, bien plus surprenant cette fois.
En conclusion, si Versatile n’est pas dénuée de reproches, cette BD ne doit certainement pas être boudée pour autant. Pour faire simple, le scénario est divertissant, les couleurs et le dessin également, et l’ensemble reste d’un très bon niveau. Qui plus est, quelques retournements de situation ont réussi à surprendre les lecteurs qui composent notre rédaction et à conserver leur intérêt tout au long de l’histoire. CeVersatile est donc à classer au rang des belles surprises qui, sur base d’idées simplistes, parviennent à nous tenir en haleine jusqu’à la dernière page. Et quelque chose nous dit que les prochaines créations de Hosanna Chauvin et de Clothilde Chauvin mériteront également que l’on s’y penche pour peu qu’elles continuent dans cette direction. A suivre !
Note : 7/10
R.L.