Hild: une épopée fantastique qui place la femme au premier rang du récit

La racine germanique ‘ Hild ‘ signifie ‘ courageux, combatif ‘et est étymologiquement liée à ‘ held ‘, ‘ héros ‘, en allemand ou en néerlandais. C’est par ces mots que commence l’aventure de Hild. Kriemhild est une jeune fille qui aime fuir ses obligations. Et des obligations, la jeune fille en a une flopée puisqu’elle n’est ni plus ni moins que la princesse du royaume de Burgondie, au premier siècle de notre ère. On rencontre alors cette demoiselle qui préfère se cacher dans les écuries et s’amuser plutôt que de se chercher un mari, et ainsi respecter son haut rang. Pourtant, la jeune fille est loin d’être stupide et insouciante. Que du contraire ! La tête pleine d’idées réformatrices (abolition de la guerre ; liberté pour les femmes d’éperonner un cheval…), Kriemhild déborde d’énergie, de fougue et de ruse ! Malheureusement, quand le souverain, son père, meurt, Kriemhild, qui est toujours sans époux, se rend d’autant plus compte des inégalités qui l’emprisonnent. Pour preuve, le testament de son paternel est sans équivoque : elle n’aura d’héritage que lorsqu’elle aura déniché un mari. Et elle aura beau s’en plaindre auprès de ses frères, leur sentiment restera unanime : la richesse, elle l’obtiendra de toute façon de son futur époux, un homme que lui choisira son frère, nouveau roi de Burgondie. Et puis, que ferait une femme seule avec de l’argent… lui expliquera-t-on. Le trésor de chacun doit servir à la défense de la Burgondie, pas à acheter des babioles et des robes, lui répétera-t-on.

Ce scénario atypique trouve ses origines chez les Nibelungen, un mythe très présent dans la culture allemande. Ici, l’autrice a choisi de s’en servir… différemment. D’abord, on découvre cette épopée du point de vue des femmes, et non via celui de Siegfried, preux chevalier pourfendeur de dragon. Ensuite, certains personnages ont bénéficié d’un travail plus conséquent dans la description de leur caractère, là où d’autres ont tout simplement disparu (en comparaison avec le matériau initial). De quoi fameusement dépoussiérer l’histoire des Nibelungen. Cette relecture est évidemment à mettre au rang des réussites de cette belle création.

Vous l’aurez compris, Veerle Hildebrandt qui est au scénario comme au dessin, propose une aventure où le rôle de la femme est au centre du récit. Entre un royaume où les femmes dirigent, ceux où elles n’ont pas à écouter les débats politiques (et encore moins à y interférer), ceux où elles sont écoutées jusqu’à ce que leur avis diverge de celui des hommes… : on s’embarque dans une époque lointaine au travers d’une narration moderne pour un résultat séducteur !

Séducteur ? Oh que oui ! Entre le dessin particulièrement réussi, le choix de couleurs tout adapté, et la narration sans fioritures et dénuées d’ellipses bien mal ajustées, le récit nous hape dans une aventure forte en rebondissements, en apprentissages et en messages. Et il s’en passe des choses dans cet ouvrage, car une princesse qui se marie peut faire pencher l’échiquier politique. En outre, si vous dotez cette princesse d’un fort tempérament et de l’intelligence nécessaire à combler son ressentiment, vous obtenez un personnage intéressant pour qui il nous tarde d’en découvrir plus. Autrement dit, si les premières pages nous dressaient le tableau d’une ado rebelle comme on en aperçoit dans de nombreuses autres œuvres, la suite du récit nous a surpris en bien avec une personnalité (celle de Kriemhild ) qui s’étoffe au fil des pages.

Et puis, si la place de la femme en société occupe le premier plan du récit, ce dernier n’est pas exclusivement dédié aux responsabilités féminines de l’époque. Ainsi, les fans de fantasy et d’aventures chevaleresques devraient eux aussi y trouver ler compte. Entre les personnages travaillés, le contexte historique, la relecture du mythe des Nibelungen, et encore une fois, un trait que se prête superbement à l’histoire contée, cette bande dessinée Hild devrait obtenir une place de choix chez votre libraire avant de le déserter pour votre collection.

Note : 8/10

R.L.

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