Imaginez seulement : quel que soit votre rêve, vous le désirez, vous l’obtenez ! En effet, la Main du Diable est capable de vous fournir immédiatement tout ce que vous demandez. Toutefois, prenez garde, car il y a un « mais » : ne décédez pas avec cette relique entre les mains. Avant votre trépas, il vous faudra la revendre sous peine de céder votre âme. Là est toute l’ingéniosité de Satan : l’homme à qui l’on offre tout, à qui l’on cède à tous les caprices, à qui l’on subvient à tous les besoins, peut-il, du jour au lendemain, se contenter de ce qu’il possède ? Et surtout, se détacher de l’objet à l’origine de sa fortune ?
Si ces quelques lignes vous disent quelque chose, c’est normal ! Elles sont un résumé (succinct) de la nouvelle de l’auteur Robert Louis Stevenson (L’Île au trésor, L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde…), lui-même s’étant inspiré de Faust. Pour sa réinterprétation en bande dessinée, on retrouve Rodolphe (Marie et les Esprits, Terre…) et Griffo (Giacomo C., Beatifica Blues...), deux célèbres noms du 9ème art. Deux artistes qui réalisent, pour La Main du Diable, ce qu’ils savent faire de mieux. D’un côté, Rodolphe construit un scénario qui va droit au but, à l’essentiel. Sa narration est précise et pousse le lecteur à lire l’ouvrage d’une seule traite. De la première à la dernière page, il n’y a ni temps mort, ni dialogue alambiqué, encore moins de péripéties inutiles . On tourne les pages sans s’arrêter, se demandant si le héros de cette adaptation va réussir à survivre à la malédiction qui pend au-dessus de sa tête telle l’épée de Damoclès. D’un autre côté, Griffo use de son trait si caractéristique, si maîtrisé. Toujours aussi vif, son dessin demeure clair et précis ; il nous emmène sur une île, puis à Paris, à Londres et à chaque fois, l’ambiance nous emporte dans l’histoire, bien aidée par une colorisation réussie. Aussi, notons la justesse dans la représentation des émotions humaines car s’il est bien question d’un thème dans cette bande dessinée, c’est celui des désirs menés par nos pulsions. Ainsi, l’attrait de l’argent, celui du succès et des femmes sont au centre du récit et constituent l’un des points forts de cette création.
On mettra également en avant quelques belles inventions de l’auteur, comme celle de faire se rencontrer son personnage principal et le romancier, Stevenson. Un clin d’œil sympathique et qui intègre de belle façon ce récit.
Dans l’ensemble, le voyage est si captivant qu’on en viendra à émettre quelques regrets pour sa fin, trop abrupte, trop simpliste peut-être. Pour le reste, le financement participatif (plus de 19.000€ obtenus pour un objectif initial de 10.000€) se comprend aisément: tant le graphisme de Griffo que la narration de Rodolphe ont accouché d’une belle bande dessinée que beaucoup se plairont à lire.
Dès lors, à la question de savoir si l’on conseille l’achat, et donc la lecture, de La Main du Diable (Editions Anspach), la réponse est évidente. Entre l’intrigue immersive, l’objet curieux qui donne son titre à l’ouvrage, le trait de l’artiste et le talent de conteur de son scénariste, La Main du Diable fait partie des belles sorties de ce mois de janvier 2025.
Note : 8/10
R.L.