Notre titre est clair, et n’ayons pas peur des mots, dès qu’il s’agit de mettre la guerre en images ainsi que les personnalités qui y ont participé (de façon fictive), Jarbinet n’a pas à rougir de la concurrence. Que du contraire ! Après le cycle 2 d’Airborne 44, voici que Casterman sort une nouvelle intégrale composée des titres S’il faut survivre et L’Hiver aux armes. Encore une fois, ce cycle est indépendant des autres et peut être lu sans avoir parcouru les précédents volumes.
Et pour ceux qui n’auraient pas découvert ces BDs précédemment, ne manquez pas cette occasion de poser sous votre sapin de noël de quoi égayer la soirée de votre oncle, papa, frère, ami… fan du neuvième art ! Car, encore une fois, Jarbinet nous livre une partition dont lui seul détient le secret de conception. Tout se tient, de la première page à la dernière. Bien que l’on reste conscient qu’aucun des personnages n’a jamais existé, on se met à espérer qu’ils survivent tous à la fin de ce dyptique. Et dans le même temps, on reste bouche bée devant la guerre telle qu’elle nous est dépeinte. Les décors, les scènes d’action, les dialogues… tout nous renvoie à cette triste période de façon si réaliste que l’on perd parfois l’idée que ce n’est qu’une BD et non une caméra placée au cœur des événements.
Dans Bastogne, on découvre trois personnages, tous pourvus d’une personnalité forte, un trait de caractère inhérent à la vie de soldat. Si l’on peut reprocher à Jarbinet, de temps à autre, des facilités de création (par exemple, on retrouve celui qui fait office de tête brûlée et qui n’a que faire de la hiérarchie ; le stéréotype de la femme soldat, d’abord rabaissée par les hommes, puis acceptée par ceux qui se moquaient de son intégration dans l’armée), force est de constater que l’artiste retombe toujours sur ses pattes. Chaque personnage apporte sa pierre à l’histoire de façon à ne jamais perdre le lecteur dans un banal déroulé des situations. Ainsi, Tessa est une pilote aguerrie qui, après une course-poursuite dans les airs, s’écrasera derrière les lignes allemandes pendant que ses deux compères, Seb et Tom, incorperont une unité dont l’une des missions sera, si l’occasion se présente, de secourir leur amie.
Mais la force de Jarbinet ne se situe pas uniquement dans les années qui ont vu tant de nations s’affronter et les missions qui ont envoyé bien des Hommes à la mort. En effet, chaque protagoniste a droit à une rétrospective nous permettant de mieux saisir ses ambitions, ses intérêts et sa personnalité. Ainsi, Tessa est issue d’un pauvre bled de fermiers où piloter un avion servait à l’épandage. La pauvreté n’aura de cesse de s’en prendre à sa famille, et les événements la conduiront à s’enrôler comme pilote… quand Seb et Tom, amis d’enfance, eux, perdront tout suite au Krach de 1929. Des origines que l’on se délectera à lire, aussi malheureuses soient-elles, tant elles apportent au récit, et surtout à ses personnages, des motivations à la hauteur de leurs actions futures.
Enfin, signalons tout de même un point négatif. Si le trait et la colorisation sont à nouveau un exemple en la matière, on regrettera les ressemblances trop importantes entre les deux protagonistes principaux, Seb et Tom, créant une confusion qui aurait pu être évitée… Le dessinateur a dû s’en rendre compte puisqu’il les affublera, au bout de plusieurs pages, de couvre-chefs différents.
Pour terminer, un mot sur l’édition : cette intégrale bénéficie de la qualité du travail de Casterman et ravira tous ceux qui avaient manqué la sortie d’origine de ces deux volumes. En outre, une sortie en intégrale de ce dyptique est tout à fait cohérente puisque le premier tome nous raconte l’origine des personnages et le second prend place dans leur « présent », l’année 1944.
En conclusion, sachez qu’Airborne 44 : Bastogne ne ressemble pas à un documentaire, pas plus à un récit d’aventures, ni même à une tragédie, et encore moins à une histoire d’héroïsme. La série représente bien plus que ça : elle est tout cela à la fois.
Note : 9/10
R.L.
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