Tardi et Nestor Burma, c’est une longue histoire d’amour. L’artiste derrière Adèle Blanc-Sec n’en est pas à son coup d’essai avec le personnage puisque c’est en 1982 qu’il adapte en BD, pour la première fois, un roman de Léo Malet. Depuis, d’autres écrits ont suivi le même chemin. Toutefois, sa dernière réalisation, chroniquée en ces lignes, est une histoire exclusive basée sur les personnages de Mallet. Elle s’intitule : Du Rififi à Ménilmontant!
Pour commencer, et ne me lancez rien à la figure, sachez qu’il s’agit du premier Nestor Burma qui atterrit dans mes mains. Eh oui, il faut bien débuter à un moment ou l’autre. Mieux vaut tard que jamais… Fan d’histoires policières, je me délectais d’avance de plonger dans cette lecture mettant en scène un détective des plus rusés dans le Paris de l’après-guerre.
Ladite lecture démarra sous les meilleurs auspices avec le trait de Tardi qui, comme à son habitude, demeure sans pareil ! On le reconnaitrait entre mille. A tel point que l’on se demande parfois si un personnage de l’une de ses autres créations n’apparaitra pas au coin d’une rue parisienne sans crier gare. Les couleurs, elles, sont ternes, mais en totale adéquation avec le scénario, et instaure un charme certain à cette France des années cinquante. Autrement dit, quelques coups de crayon et nous voilà déjà dans l’ambiance. On rencontre ainsi Nestor Burma qui arrive dans son bureau. Une dame l’y attend et lui annonce qu’elle a tué, la veille, son cher et tendre. Puis, elle dévoile l’arme du crime, un pistolet qu’elle gardait dans son sac à main. Pas le temps de s’ennuyer : la cliente s’enfonce l’arme dans la bouche et tire aussi sec. Un début des plus captivants ! Comment ne pas tourner les pages après une introduction de cet acabit ?
Pourtant, en parcourant la suite de l’ouvrage, le nouveau lecteur que je suis n’en a été que plus confus. En effet, ne connaissant pas du tout Nestor Burma, quelle ne fut pas ma surprise de le découvrir arpentant les mêmes rues à la recherche d’un signe, d’un suspect, d’un indice qui lui tomberait du ciel… Et quand sa voiture s’arrête enfin, c’est pour voir son conducteur entrer dans un bar, commander un verre de vin et le siroter auprès du tout-venant parisien. Une ôde à l’alcool ? On n’en est pas loin. Et le pire viendra dans les dernières pages où, presque par magie, la résolution de l’affaire tombera sous le nez du détective (en grande partie du moins). Oui, oui, vous ne rêvez pas. Moi qui m’attendais à un récit épique durant lequel un fin limier enquêtait et dénichait des pistes grâce à son intelligence, je me suis retrouvé avec un conducteur porté sur la boisson et qui pourra remercier la police d’avoir conclu l’enquête sans lui…
Autre point déstabilisant : les redites. Cette façon de faire trouve peut-être son origine dans le roman. Il n’empêche qu’elle reste lourde et inadéquate à ce récit en bande dessinée. Sans arrêt, Nestor se posera les mêmes questions. Prenons le cas qui l’occupe : la dame qui se suicide dès les premières pages dans son bureau. Burma se demandera à plusieurs reprises : « Pourquoi a-t-elle fait ça ? Et pourquoi a-t-elle avoué avoir tué son mari? » comme si les lecteurs que nous sommes ne pouvaient se rappeler ce qui s’était passé quelques pages plus tôt…
Pour le reste du scénario, Tardi joue sur différents aspects plutôt bien amenés. Le premier est humoristique avec la grippe qui persécute Burma. La maladie entrainera de petits moments plus légers et plutôt bienvenus. Le second, lui, est bien plus sérieux puisqu’il portera sur les dérives des entreprises pharmeutiques. Attention, même si ce ne sont que des dessins, on préfère vous prévenir : âmes sensibles s’abstenir. Tardi n’hésite pas nous dépeindre la pire facette de ce monde très particulier.
Au final, que penser de ce Nestor Burma : Du Rifif à Ménilmontant! ? Du bon et du moins bon, comme vous l’aurez compris à la lecture de ces lignes. Autant le graphisme propre à Tardi nous convainc, comme à chaque fois, et nous immerge dans une atmosphère propre à ses histoires, autant le scénario nous a laissés pantois et pas pour de bonnes raisons. Quelques bonnes notes viendront tout de même nous pousser à persévérer dans notre lecture ; mais pour le reste, Nestor aurait pu laisser sa place à la police parisienne dans cette investigation… Une première incursion dans les enquêtes du détective qui nous laissera un goût amer pour notre part.
Note : 5/10
R.L.