Penser au genre western, à l’Ouest américain et à ses rêves de grandeur, cela revient à songer à ces duels au cours desquels la mort s’impose, au bout d’un moment de tension implacable, juste devant la porte du saloon où les filles de joie et leurs clients attendent avec impatience et horreur la conclusion de la confrontation ; à ces cowboys aux grands cœurs agissant contre des brutes aussi viles que cupides et pour qui le sang d’un Indien ne vaut rien ; à ces ruées vers l’or où le plomb s’échange contre le doux minérai pour lequel certains voyageront durant plusieurs mois, et ce quitte à mettre en péril la vie familiale… En d’autres mots, le genre qu’est le western est riche d’histoires, d’influences, de moments épiques, de personnages hauts en couleur et de héros torturés. Pourtant bien moins exploitée que d’autres thématiques, cette période historique est au cœur de quelques belles productions, sur écran ou dans nos livres. C’est pourquoi nous avons décidé de compiler ici quelques-uns des comics, des BDs et même des mangas qui nous ont particulièrement marqués en la matière.
[Petite note : ce regroupement de titres est purement subjectif. A cet égard, précisons les détails suivants. D’abord, nous avons consciemment évité des titres tels que Blueberry, Lucky Luke… Tout simplement car notre objectif, dans le cas présent, reste de faire découvrir de nouveaux écrits aux lecteurs. Certains seront connus du plus grand nombre, d’autres probablement pas. Nous tenions à nous abstenir de dresser un énième classement comprenant les plus importants classiques du franco-belge traitant de l’Histoire du Far West. Ensuite, rappelons que derrière Comics Inside se cachent des humains et non des robots. Et en tant que tels, nous n’avons pas lu tout ce qui se faisait (et se fait) en la matière. Certaines productions auront été écartées de la liste pour cette simple raison. Merci de votre compréhension et bonne lecture !]

Jonah Hex
Rusé, impitoyable, et franc-tireur, l’homme est redoutable. Fort de son passé militaire, Jonah Hex parcourt les cités américaines et y rend la justice à sa façon, soit avec du cœur, soit avec une cruelle et froide obstination. Cette dualité donne naissance à un personnage aussi intrigant qu’intéressant. La veuve et l’orphelin font partie de ses préoccupations, à condition qu’ils n’aient pas commis, eux aussi, leur part d’atrocités… Car Jonah Hex, avec sa gueule défigurée par les combats, peut se montrer insensible, et son jugement est bien souvent irrévocable.
Paru en 2020 chez Panini, la série a connu plusieurs auteurs et dessinateurs. Certaines histoires, malheureusement, s’en ressentent même si l’ensemble tient la route. Et mieux encore puisque le personnage qui donne son nom aux comics demeure aujourd’hui encore un pilier pour les fans du genre. Intelligent, expérimenté, rustre et violent : la complexité du protoganiste constitue le moteur de la série au point qu’on en redemande sans cesse. Le lecteur poursuivra donc sa lecture afin de découvrir de quelle manière Jonah Hex s’est retrouvé affublé de cette terrible blessure, et surtout de quelle façon il est devenu un féroce redresseur de torts.

Fear Agent
On triche vous avez dit ? Un comic-book en rupture de stock (Jonah Hex) pour commencer cet article, et maintenant un autre consacré à de la science-fiction ? Essaierait-on de vous berner? Halte-là ! Laissez-nous donc vous expliquer. Oui, Fear Agent est une magnifique série difficilement définissable, même si on citera avant tout la science-fiction, le space opera, et les récits d’aventures pour la décrire.
Dans Fear Agent, Heath Huston a tout perdu : foyer, amis, famille… L’homme ne possède plus rien si ce n’est son amour pour l’alcool. Ah si ! Il a également un statut ! Celui de Fear Agent, soit le nom donné aux soldats d’une escouade créée pour défendre la planète Terre contre les invasions extraterrestres.
Un pitch accrocheur, bien qu’au demeurant classique, pour une série bluffante ! Le scénario comprend son lot de rebondissements, de personnages emblématiques et d’action surevoltée au point d’en faire une réussite en tous points ! En outre, l’histoire est bourrée de références liées aux westerns. Parfois, ces références seront sous-entendues, cachées aux premiers abords et seuls les yeux avertis s’en délecteront. D’autres fois, ce sera plus… flagrant comme lors du passage de Heath sur la planète Westx. Là-bas, les maisons en bois cotoyent les grands espaces verts où le bétail s’entasse pendant que des cowboys travaillent tout le long du jour. Ces chapitres « westerns » ne dénotent pourtant pas avec le reste de l’histoire bien plus orientée SF, que du contraire ! Il s’agit là d’un choix scénaristique original qui intègre parfaitement la trame principale du récit. Entre les bagarres épiques, la prohibition, les armes d’époque…, l’auteur (un certain Rick Remender) parvient à combler ses fans et ceux du genre ! Un succès !

Hoka Hey!
Georges est un jeune Lakota élevé par un pasteur blanc, administrateur d’une réserve. Lorsqu’un beau jour, des amérindiens surgissent face à lui, Georges en découvre plus sur ses origines, sur le destin de son peuple et la colère que ce dernier nourrit à l’égard des « blancs », persécuteurs et voleurs de terre.
Neyef nous offre ici une BD incontournable. Son trait est tout bonnement magnifique, et les couleurs du plus bel effet. En outre, l’édition et le format lui rendent honneur avec des planches plus grandes que d’accoutumée et une reliure de qualité. C’est un véritable plaisir pour les yeux. Et n’ayez crainte, le scénario n’est pas en reste. Rapidement immergé dans l’histoire, le lecteur se retrouvera à galoper aux côtés des héros dans de sublimes vallées verdoyantes et au sein de canyons majestueux. Ces scènes où on s’extasie devant tant de beauté sont entrecoupées par des dialogues finement écrits et des scènes d’action réalistes et bienvenues. En bref, Hoka Hey! a de quoi nous en mettre plein les mirettes. Tant pour son message, que pour les points positifs cités ci-dessus, ce roman graphique se doit de figurer dans toutes les bibliothèques.

La Piste de l’Oregon
La piste de l’Oregon… Un voyage entrepris par de nombreuses âmes, et ce malgré le risque omniprésent de rester sur le carreau. Portés par le rêve d’une vie meilleure qu’il serait possible de caresser en Oregon, les colons du XIXème siècle n’hésitaient pas à quitter leur contrée pour rejoindre la région du nord-ouest des futurs USA. Le prix à payer pour la traversée? La mort, bien trop souvent.
L’aventure contée dans La Piste de l’Oregon est des plus plaisantes, et même captivante par moments. Les personnages principaux sont judicieusement exploités et profitent d’originalités bien pensées quand d’autres, malheureusement, font part d’un dualisme un peu trop basique. Qu’il en soit ainsi, La Piste de L’Oregon n’en reste pas moins une œuvre des plus intéressantes qu’il nous plaira de relire à l’occasion. Avec elle, le lecteur découvrira un pan important de l’Histoire des Etats-Unis avec ce qu’il faut de divertissement, de suspense et de rebondissements.

Golden West
Geronimo, un nom iconique, historique, ancien, et pourtant… peu peuvent se vanter de connaître son histoire sur le bout des doigts. Pour l’Amérique, c’en est une autre, d’histoire. Sa population apprend dès l’école et ses cours d’Histoire qui est l’individu qui se cache derrière cette appellation, soit un guerrier aux multiples faits d’armes, un homme plein de spiritualité, un indien élevé au rang de légende parmi les siens.
Christian Rossi nous délivre, avec Golden West, une nouvelle pépite. L’artiste nous comble grâce à son trait assuré, des visages marquants, un terrain aride et vivant, des confrontations immersives… De quoi satisfaire ses fans (et les autres). Mais une bande dessinée, ce n’est pas que du dessin. Et Rossi l’a bien compris puisque il est à la base d’une trame aussi marquante qu’intéressante. Réunis, graphisme et scénario accouchent d’un roman graphique dont on aurait tort de se priver. Vivement le prochain !

The 7 Deadly Sins
Texas, en 1867. Une mission chrétienne, comme beaucoup d’autres, veut sauver les plus démunis, les orphelins de guerre… Si la vitrine du lieu régi par les lois de Dieu inspire la confiance, son arrière-boutique, elle, repose sur des fondations bien plus sombres… C’est pourquoi le prêtre, un certain Antonio, libèrera six criminels pour leur proposer un marché. Un marché censé racheter les crimes sur lesquels repose l’édifice religieux.
Sans faire preuve d’une originalité folle, ce comic-book constitue une lecture agréable s’articulant autour de protagonistes aux backgrounds détaillés pour lesquels il devient très facile de s’attacher. Le titre s’appuie aussi sur un graphisme original qui illustre à merveille les scènes les plus violentes ou encore des faciès transpirant d’émotions. Le tout donnant naissance à un récit à ne pas manquer pour les fans du genre.

La femme à l’Etoile
Fin du XIXème siècle, Montana. Zachary fuit. Il fuit sa vie passée pour dénicher un lieu paisible où il vivra seul. Dans le calme absolu. La société, il n’en veut plus. Plus de voisins à qui parler, plus de fardeau quel qu’il soit. Quand, par chance, il tombe sur deux trappeurs qui lui évoquent Promesa, un village abandonné mais bénéficiant encore de chaumières où s’abriter, Zachary sait enfin où il s’établira. C’est là, sur sa route, qu’il rencontrera une femme, une certaine Perla…
Anthony Pastor transporte ici le lecteur dans une quête scénaristiquement simple mais pour laquelle il est difficile de détacher le regard. De page en page, on ne peut s’empêcher de se demander quel sort il a réservé à ses personnages. Et si l’action n’est qu’au second plan dans La Femme à l’Etoile, c’est tout simplement parce que le premier plan est déjà occupé par une belle histoire de relations basée sur deux protagonistes que l’on souhaite soutenir de la première à la dernière case. Zachary et Perla ont de quoi charmer les lecteurs, en s’appuyant sur des personnalités fortes, et leur destin devient rapidement une préoccupation pour tout fan de ce type de bande dessinée.

Peace Maker
Sortons un peu des médiums les plus mis en avant sur Comics Inside, soit les bandes dessinées et les comics, pour nous intéresser aux mangas. Et commençons avec Peace Maker, une œuvre centrée autour des pistoleros et des duels. Fictive, la série met en avant un groupe de personnages aux motivations diverses, dont certains n’auront de cesse que de prouver leur valeur lors de fameuses séances de tirs organisées dans des stades dédiés à cet effet. Dès lors, quand on est le fils d’un célèbre tireur qui a marqué les mémoires, difficile d’échapper à ces compétitions où la vitesse d’exécution et le sang-froid sont les principales valeurs des concurrents. C’est pourtant le cas d’Hope Emerson qui se refusera de participer au moindre duel. Malgré sa volonté et ses motivations, son talent finira par s’exprimer, et ce pour notre plus grand plaisir de lecteur.
Tout en noir et blanc, comme c’est généralement le cas pour les mangas, Peace Maker profite de scènes d’action détaillées, de passages vifs et nerveux et de visages expressifs qui bénéficient de tout le talent de l’artiste japonais, Minagawa Ryoji. Le découpage participe au rythme et nous entraine dans une lecture sans temps mort. La tension est palpable elle aussi grâce à une construction de personnages élaborée, un scénario à la hauteur et des ennemis aussi charismatiques qu’impitoyables. En d’autres mots, si votre came, c’est l’adrénaline, foncez !

Priest
Après le manga Peace Maker, laissez-nous vous chroniquer un manhwa, soit une réalisation coréenne qui porte le nom de Priest. Et quel meilleur conseil à vous donner que le suivant : évitez comme la peste le film du même nom qui n’a pour ainsi dire aucun rapport avec le matériau de base.
Le prêtre Isaak est maudit. Une voix ne cesse de lui parler, celle d’une âme enfermée dans son propre corps. Avec cet autre individu à ses côtés, Isaak n’aura de cesse de poursuivre le mal où qu’il se trouve, quelle que soit sa forme, et de participer à sa destruction. Un scénario basique, vous avez dit ? Vous êtes si loin du compte… Au travers de ce combat entre un homme d’église et des âmes damnées, on retrouve une foule d’éléments bibliques réétulisés de bien belle façon pour coller à l’histoire de Priest. C’est ainsi qu’on pourra lire des passages dédiés à la création divine qui auront pour but d’expliciter les origines des entités diverses présentes dans le monde d’Isaak. Entre l’histoire du héros et ce qui l’a amené à vendre son âme, celle des anges déchus tirés de leur profond sommeil, ou encore les motivations des hérétiques en quête d’un Dieu à aimer… Priest met sans arrêt le lecteur face à un dilemne : celui du camp où se ranger. D’un côté, celui de Dieu, dont les voies sont impénétrables. De l’autre, celui de ceux qui ont renié le Saint-Père à cause de son mutisme face à leurs souffrances. Un questionnement qui guidera Isaak tout au long de cette aventure réfléchie, originale et suprenante. (Je me permets de préciser que moi-même, auteur de cet article, suis athée et que même si les lignes ci-dessus pourraient le suggérer, Priest n’est pas une oeuvre chrétienne ayant pour but d’influencer les plus naifs.)
Concernant sa place dans ce top, rappelons que Priest se déroule à une période et dans un paysage qui rappelleront des souvenirs à ses lecteurs. En effet, l’action prend place lors d’une époque où on voyage à cheval ou, pour les plus riches, en train à vapeur afin de franchir les déserts et les canyons. Quant aux problèmes judiciaires, ils se règlent avec des « six coups »…
En quelques mots, Priest n’est rien de moins qu’un chef-d’œuvre. Le suspense distillé avec soin, les retournements de situation magistraux, la narration rythmée et immersive, et surtout les thématiques abordées, font de ce manwha un ovni. Un ovni dont il est difficile de décoller les yeux : en cause le trait géométrique et original de son artiste, Min-Woo Hyung, et un scénario des plus prenants. Pourtant, il le faudra bien car une mauvaise nouvelle pointe le bout de son nez : la série ne connait pas de fin. Et elle n’en connaitra probablement jamais… Si la raison n’a jamais été communiquée de façon officielle, les bruits de couloir impliquent l’Eglise et certaines pressions religieuses qui auraient pesé sur le dos de l’auteur. Quel qu’en soit le motif, c’est un malheureux gâchis !

On espère que cet article vous aura plu et vous permettra d’étoffer vos étagères de nouvelles publications. Et, bien-sûr, si d’autres écrits du style vous venaient en tête, n’hésitez pas à les faire connaître en commentaires. Bonnes lectures !
R.L.