Anita Conti : balade en mer sur fond de biographie

Certains se facinent pour les étoiles et les planètes aussi mystérieuses qu’insondables. D’autres préfèrent se tourner vers l’Histoire, celle révolue des dinosaures, celle plus mystérieuse de la construction des pyramides, et… bien d’autres encore. Enfin, il y a ceux dont les yeux, et le cœur, se dirigent inlassablement vers la mer. Anita Conti fait partie de ceux-là, indubitablement. Amoureuse des océans, de ce qui s’y trouve, de ce qu’on peut déduire des mouvements de bancs de poissons, de la chaine alimentaire des espèces qui habitent les plus grandes étendues d’eau, des rythmes de vie des marins… Anita Conti n’a eu de cesse de se plonger dans l’étude des milieux aquatiques.

Dès lors, cette grande dame méritait à bien des égards que l’on s’y intéresse. Ce qu’a bien compris Casterman chez qui sort une œuvre aux airs de biographie tout à fait plaisante et truchée d’informations parfois intimistes, parfois d’intérêt international. Le récit intègre, évidemment, la collection « Les clandestines de l’Histoire » aux côtés de Kiki de Montparnasse, Olympe de Gouges, Joséphine Baker ou encore Alice Guy.

Pour vous en dévoiler plus, commençons par la fin de ce roman graphique. Pourquoi la fin ? Car elle témoigne de la richesse de l’ouvrage ; du travail abattu par ses auteurs, Catel et Bocquet. En parcourant les ultimes pages de cette bande dessinée, vous trouverez non seulement une bibliographie digne des plus minutieux travaux en la matière, mais également des biographies condensées de toutes les personnalités ayant contribué aux recherches de Madame Conti. Et comme si cela ne suffisait pas, vous pourrez également parcourir les grandes dates qui ont fait de cette dame une fabuleuse scientifique dont le nom doit résonner encore auprès de bien des marins.

Quant au récit en tant que tel, sachez qu’il n’est qu’un miroir du travail fourni en amont par Catel et Bocquet. L’histoire est celle d’une femme, au caractère fort, qui n’a cessé de regarder vers la mer. Dès qu’elle en a eu l’occasion, elle est montée à bord d’un bateau afin d’obtenir des renseignements de première main. La vie en mer ou les espèces maritimes sont autant de passions qui la guidaient quotidiennement. Ainsi, Anita Conti pouvait discuter avec des capitaines de vaisseaux sur leur projet en mer, tout comme participer à la dissection d’un dauphin dans le but de découvrir ce que l’animal avait dévoré au cours des dernières heures.

Pour illustrer cette biographie, Catel a misé sur un trait arrondi, jouant sur les blancs et les noirs, créant une certaine sympathie pour les protagonistes de l’œuvre. Le résultat est appréciable, et permet aisément de reconnaître les personnages, tout en participant à l’intérêt du lecteur pour le sujet développé. La narration, de son côté, demeure assez spéciale. De fait, les auteurs se sont approchés du fils adoptif d’Anita Conti afin d’en apprendre plus sur l’intimité de la dame. Le récit voyage donc entre les scènes en mer, ou d’étude, et celles dédiées au quotidien d’Anita Conti avec son mari, ses amis… L’impression de voguer d’une anecdote à une autre devient de plus en plus prégnante au fil des pages. A tel point que, lors de certains passages, les artistes derrière l’ouvrage iront jusqu’à passer d’un moment de vie à un autre sans interruption, soit sans indication de temps, ni même de signe annonciateur d’un nouveau chapitre. Déstabilisante au demeurant, la recette fonctionne. Preuve que jamais Catel et Bocquet n’ont rendu les armes ou n’ont choisi un procédé à défaut de trouver mieux. Le tout offre ainsi une certaine légéreté dans un écrit qui ne laissait augurer d’une telle caractéristique. Et même si ce roman graphique ne plaira pas à tous, force est de constater qu’une telle originalité reste un plaisir à découvrir.

Le résultat final est un livre inhabituel. D’une part, par sa narration, mais aussi par son sujet qui n’est autre qu’une femme des plus importantes pour la recherche maritime, malgré sa notoriété moindre. Le trait est délicat et s’impose aisément à l’œil, égalant l’histoire contée en termes de qualité. Enfin, pour ceux qui désiraient en savoir plus, les bonus dudit ouvrage sont loin d’être anecdotiques. Que du contraire ! On a rarement vu une fin aussi enrichie… Sur ce, il est de nouveau temps pour notre équipe de reprendre la mer au sein des vagues d’informations que contient cette BD consacrée à Anita Conti.

7/10

R.L.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.