Le jour J, ou D-Day, est arrivé pour Gavin et de nombreux Américains. Après avoir passé un merveilleux été sur cette plage, en vacances, des années auparavant, voici venu le temps pour ce soldat de la re-découvrir dans ses plus vils atours. Tout a changé… A commencer par Joanne, la femme de sa vie, qui n’est plus là, à l’attendre sur son vélo, pour l’emmener en balade dans un recoin connu d’elle seule. Non… Désormais, seules les mitrailleuses allemandes, repliées dans leurs imposants bunkers, attendent leur heure.
Cette intégrale d’Airbone 44 regroupe les volumes 3 (Omaha Beach) et 4 (Destins Croisés) dessinés et écrits par Jarbinet. Il s’agit d’une série de BD sur la seconde guerre mondiale et si l’ensemble vaut le détour, sachez que vous ne rencontrerez aucun problèmes à commencer par ce dyptique. Celui-ci commence doucement avec un été à Vierville où le personnage principal, Gavin, découvrira l’amour auprès d’une Française, Joanne. Les tons clairs, « ensoleillés » aurait-on envie de dire, s’accordent parfaitement à l’ambiance d’insouciance que le couple dégage tout au long de l’intro. Tout comme les dialogues, baignés de chaleur humaine. A cette lecture, beaucoup se complairont à se souvenir de leurs jeunes étés au travers de ces deux amoureux. Puis, les vacances prennent fin. Le jeune homme doit rentrer chez lui, avant de revenir sur les lieux de ses premiers émois, l’arme à la main, la survie dans la tête, et la peur au ventre. Le 6 juin 1944 prend vie avec des couleurs bien différentes, plus foncées et moins vives, comme l’ambiance, plus tendue et crispante. On passe sèchement du bonheur d’un été enflammé à celui, bien plus froid et amer, de la mort au fusil.
En parcourant ces planches, les amoureux du cinéma se remémoreront à coup sûr « Il faut sauver le soldat Ryan », tandis que les amateurs de jeux vidéo sentiront un souffle de nostalgie leur caresser la nuque (Call of Duty, Medal of Honor…). Dans Airborne 44: D-Day, pour peu que vous vous soyez intéressé à ce conflit historique, l’ensemble des événements vous titilleront par leur réalisme. Et c’est en toute logique ! Puisque l’auteur a effectué des recherches pour nous livrer un compte-rendu, hautement immersif, de ces moments de tension vécus sur le front par les soldats US. D’ailleurs, de beaux bonus viennent conclure cette intégrale avec l’Histoire des événements relatés, leur contexte, et les crayonnés de l’artiste. Mais revenons-en au cœur de ce récit.
Dès le débarquement, on ressent les odeurs de mort qui baignent les narines, les visions terribles de milliers de cadavres accueillant les survivants, la peur qui émane de chacun lorsque les balles fusent, à ras des casques et en plein dans les crânes voisins. On comprend et on a pitié devant certaines scènes de folie dessinées de main de maître par Jarbinet. On s’inquiète pour l’unique survivant d’une troupe ; on transpire au détour d’un buisson d’où nul son ne parvient aux héros ; on s’attriste devant la mort, prématurée, d’un personnage.
Pareil exploit n’est pas commun, pourtant Jarbinet s’en tire haut la main. Exploit? Oui. Et ce, de deux façons. La première relève de sa faculté à raconter une histoire. Dans ce dyptique, jamais vous n’avez l’impression de lire un documentaire au mépris du divertissement, soit du sentiment de liberté et d’évasion qu’est sensée fournir une bonne BD. Jarbinet vous emmène dans les horreurs de la guerre, mais le fait avec talent et un choix de mots, de péripéties, et de personnages captivants. Le deuxième point fort à relever est lui-aussi lié au désastre humanitaire qu’a représenté cette guerre horrible, sanglante et machiavélique. Aux côtés des protagonistes d’Airborne 44, vous vivrez toute l’ampleur de l’enfer qu’a été 1944. Et à cet égard, on ne peut que s’incliner devant le génie de l’auteur. D’une part, il n’y en a jamais trop. On ne découvre, à aucun moment, des scènes d’une violence inouïe, supposées nous montrer l’horreur pure et dure, jetées là pour nous rappeler que la guerre était effroyable. Jarbinet est autrement plus doué que cela puisqu’il nous distille, en quelques cases, adroitement positionnées dans son histoire, les terribles tueries qui ont engendré tant de pertes humaines. Oubliez donc le gore pour le gore, même si de nombreux personnages meurent dans cette intégrale, et ressentez toute la mélancolie, la tristesse, et parfois la folie qui s’amourachent de ces militaires au quotidien mortel. L’histoire vous prendra aux tripes, vous immergera dans un terrible conflit, au cours duquel la tension ne fait que grimper en flèche au fil des pages. Une tension qui se cache derrière chaque planche et, qu’il y ait des morts ou non, vous collera à la peau jusqu’à la fin.
En conclusion, cette intégrale regroupant les volumes Omaha Beach et Destins Croisés reste un immanquable pour tous ceux qui s’intéressent à la Deuxième Guerre Mondiale et aux autres, fans de BD. Jarbinet nous dépeint l’horreur de la guerre avec justesse, tel un virtuose, sans jamais verser dans un gore absurde. Un immanquable.
Note : 9/10
R.L.
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